Vers une réforme de l’assurance multi-risques climatique
Le gouvernement travaille sur une réforme de l’assurance récolte du fait des limites rencontrées par ce système. Le projet a été dernièrement relancé par le gel historique de 2021 qui a durement touché l’ensemble de l’agriculture française. Le député du Val-de-Marne, Frédéric Descrozaille, a fait plusieurs propositions compilées dans son rapport remis au ministre de l’Agriculture.
Le système de l’assurance récolte ou multi-risques climatique (MRC) nécessite des adaptations. La multiplication des aléas climatiques et l’articulation entre l’intervention publique et privée sont désormais à revoir. Après une bonne décennie de fonctionnement, le constat dressé par le député Descrozaille est le suivant : le taux de pénétration trop faible de l’assurance auprès des agriculteurs ne permet pas la mutualisation. Le système, déséquilibré pour les assureurs et les agriculteurs, est une cause de fragilité pour la ferme France.
« L’objectif est de repenser en profondeur le fonctionnement des couvertures assurantielles privées et publiques aujourd’hui mises en place, mais qui montrent leur limite dans une situation d’accélération et de renforcement des effets du changement climatique », a indiqué le ministère de l’Agriculture.
Pour rappel, le système de la MRC a été instauré en 2005. La PAC prévoyait la possibilité pour les États de soutenir leur agriculture face aux aléas climatiques. L’option choisie a été celle de la subvention pour les agriculteurs souscrivant à une MRC. La viticulture et les grandes cultures ont par la suite été exclues du champ d’intervention du régime de la calamité agricole en 2009 et 2011, au motif que ces risques étaient assurables. Les viticulteurs ne peuvent plus, depuis, prétendre à une autre indemnisation que celle de l’assurance.
Pour autant, le système n’est plus pérenne. Le rapport du député propose donc de revoir la MRC et son articulation au régime des calamités agricoles.
L’obligation assurantielle est écartée à court terme, mais pourra être envisagée lorsque les conditions paraîtront réunies et sous réserve de sa faisabilité juridique. Le député propose plutôt une réforme qu’une véritable révolution dont l’objectif est de tendre vers un taux de pénétration de 60 % en 2030 pour la viticulture et les grandes cultures et 30 % en arboriculture et en prairies. Aujourd’hui, le taux est de 30 % en grandes cultures et en viticulture.
Les propositions
Refonte du système
Le député propose de rénover le Fonds national de gestion des risques agricoles (FNGRA) en l’ouvrant à toutes les productions mais en réduisant son seuil d’intervention afin d’inciter à l’assurance. Ce fonds serait largement financé par l’État. Il indemniserait les pertes supérieures de plus de 50 %, contre 30 % aujourd’hui, avec un accès à coût très réduit pour les producteurs. Ce fonds serait accessible à toutes les cultures, dont la vigne.
Ce changement aurait pour conséquence d’ouvrir certaines cultures, comme la vigne, à l’indemnisation via le régime des calamités agricoles et de réduire pour d’autres la possibilité de se voir indemniser via ce fonds, le taux de perte minimum passant de 30 % à 50 %.
En effet, pour les cultures actuellement couvertes par le FNGRA, le fait de recevoir une indemnisation au-delà de 30 % de perte n’encourage pas à la souscription de contrats d’assurance.
Les pertes entre 20 % et 50 %, seraient prises en charge par l’assurance récolte. Le député propose d’utiliser les possibilités offertes par le droit européen en matière de soutien des États à leur agriculture concernant les aléas climatiques en versant 70 % de subvention pour les primes d’assurance, pour une franchise pouvant descendre à 20 %.
Actuellement, le mode de subvention de l’assurance récolte est limité à une tranche de subvention de 65 %, avec jusqu’à 30 % de franchise, et de 45 %, entre 30 % et 25 % de franchise. Pour la tranche de franchise inférieure à 25 %, aucune aide n’est versée. Une indemnisation différenciée serait prévue entre les assurés et les non-assurés.
Moyenne olympique
Lors de la rédaction du rapport, le député Descrozaille s’est rendu compte de l’écart entre la moyenne olympique et la moyenne décennale. Selon lui, elle « est notamment le fruit du dérèglement climatique et peut être apparentée à une catastrophe naturelle ». D’où la volonté d’indemniser cet écart non par l’assurance, mais par un fonds alimenté par la solidarité nationale pour compenser les catastrophes naturelles.
Mesure fiscale incitative
Afin de pousser les agriculteurs à s’assurer, le rapport Descrozaille propose de remonter les seuils des montants
défiscalisés pour les souscripteurs de l’assurance récolte dans le cadre de la Dotation pour Épargne de Précaution (DEP). Un assuré aurait ainsi accès à 100 % de déduction jusqu’à 50 000 euros de bénéfice agricole (BA) contre 27 000 euros pour un non-assuré, 30 % du bénéfice au-delà de 50 000 euros, 30 % au-delà de 27 000 euros pour un non-assuré, etc.
Financement de la réforme
Le partage des risques entre les acteurs doit, selon le rapport, s’organiser en trois niveaux : la part supportable par l’agriculteur, la part devant relever de l’assurance et la part sinistre exceptionnel qui doit relever très majoritairement de la solidarité nationale. Si l’objectif atteint un taux de pénétration de quelque 40 % en viticulture et en grandes cultures, et de l’ordre de 5 % sur les prairies, le subventionnement de la MRC serait augmenté d’environ 300 millions d’euros. Quelques pistes sont aujourd’hui abordées pour le financement de la mesure mais l’arbitrage budgétaire n’est pas réalisé.
Gouvernance
Le député propose d’organiser la gouvernance autour d’un pool de co-réassurance, à l’instar de la démarche conduite en Espagne depuis 40 ans, permettant de pérenniser l’offre assurantielle avec des représentants des assureurs, des réassureurs et des conseillers en produits d’assurance, des représentants de la profession agricole et des représentants de l’État. Le rapport prévoit également la prévention et l’investissement dans les équipements de prévention et de protection.
Le député fait le lien avec le plan de relance de 100 millions d’euros qui devrait doubler, comme l’a annoncé le premier ministre.
Le Président de la République a confirmé le 10 septembre dernier la volonté du gouvernement d’aller au bout de ces propositions. Il s’est engagé à ce que la réforme entre en vigueur en 2023. Sans entrer dans les détails, le président a annoncé 600 millions d’euros par an dédiés à financer ce nouveau système, un guichet interlocuteur unique pour les agriculteurs et un pool de co-assureurs afin que les assureurs puissent répondre à la demande.
Assurance récolte : les bonnes raisons de s'assurer pour 2022
Dans la période de transition avant la refonte complète du dispositif assuranciel multirisques prévu pour 2023, il est important de maintenir une couverture assurancielle contre les risques climatiques. La multiplication des aléas ou de leurs conséquences au cours des dernières années, avec parfois plusieurs aléas au cours d’une même année (gel et coulure en 2021, grêle et sécheresse en 2020), qui a eu de lourdes conséquences pour de nombreuses exploitations, est la meilleure raison pour renouveler votre contrat. Si la hausse tarifaire pratiquée par votre compagnie est trop importante, vous avez la possibilité de résilier celui-ci. N’hésitez pas dans ce cas à faire jouer la concurrence, sachant que plusieurs compagnies ont maintenu la possibilité d’améliorer votre moyenne olympique en souscrivant un complément de rendement assurable ou d’opter pour un rachat de franchise.