UG Bordeaux : « Il faut être créatif et trouver de nouveaux marchés »
L’Union de Guyenne multipliait les projets, dont le lancement de produits nouveaux présentés à Wine Paris, et qui attendaient Prowein. La crise du COVID a décalé cette dynamique mais ne l’a pas freinée. Cette crise aura un impact à moyen terme, sans doute aussi sur les revenus des viticulteurs, « même si notre cave va jouer le rôle d’amortisseur ». Mais l’après-crise est aussi « l’occasion d’affirmer que Bordeaux a évolué, sur l’environnement, sur ses vins ».
Philippe Cazaux dirige l’UG Bordeaux, regroupement de caves coopératives fortement implantées sur l’Entre-Deux-Mers. La crise du Covid, ici comme ailleurs, a fortement modifié l’organisation du travail.Organisation. « Comme tout un chacun, cela nous a fortement impactés, une partie du personnel est resté au travail. Et je trouve que tous ont fait preuve de courage. Au début de la crise, nous n’avions pas de masques, pas d’équipement de protection. Chacun respectait les consignes de distanciation sociale. »« Une partie du personnel a poursuivi son activité en télétravail, comme les commerciaux pour répondre aux appels et prospecter les clients potentiels, les personnes du marketing ou des parties administratives. »« Nous avons aussi ceux que j’appelle les « empêchés », en garde d’enfants, en arrêt pour prévention de santé. Nous avons aussi eu du personnel en chômage partiel. Mais nous sommes toujours restés en contact avec les salariés. Et même si les choses reviennent à la normale, nous ne sommes pas encore sortis de cette période du Covid. »
Tour d’horizon des marchés
▸ Export : « Pas mal de pays se sont fermés simultanément. Et le fret était plus difficile à organiser. »
▸ CHR : « Nous avons perdu 80 % de chiffre d’affaires sur ce segment. »
▸ Grande distribution : « Les livraisons en marques de distributeurs (MDD) se sont accélérées. On constate que les consommateurs n’avaient pas l’esprit à faire la fête. Mais la consommation de vin ne s’est pas arrêtée. Cela nous a permis de faire tourner quelques lignes en MDD et de faire face à la demande en BIB. »« Reste qu’habituellement, nos clients payent à 60 jours. Donc pour l’ensemble de ces marchés, les soucis de trésorerie sont à venir. »
Blancs et rosés. « Il s’agit de produits considérés comme estivaux. Le risque, c’est que quand on loupe le lancement, on loupe aussi la saison. Nous avons un manque de visibilité sur la consommation de vin, sachant que l’activité du CHR est très liée au tourisme, et c’est le cas dans une grande partie de la France. »
« Nous expliquons nos critères d’intégration dans la coopération »
Rémunération des adhérents. « Cette crise, à terme, aura des répercussions sur les rémunérations des coopérateurs de l’Union de Guyenne. On va essayer de lisser autant que l’on peut, et le rôle de la cave est de servir d’amortisseur. Mais pour retrouver des niveaux de revenus plus marqués, nous aurons besoin d’un marché plus dynamique. Le grand enjeu sera la commercialisation de la récolte 2020. Le risque majeur est un marché au ralenti. Nous échafaudons plusieurs scénarios pour relancer nos positionnements. Il faut être créatif et trouver de nouveaux marchés. »
L’approche clients.« Dans cette période de crise, malgré tout, nos crémants ont bien marché. Le crémant répond aux jeunes générations, c’est l’adaptation de la génération "sodas". Ils sont habitués à boire pétillant et sucré. Autre constat, on observe que le vin se consomme de moins en moins à table, mais en apéritif, en cocktail, avec de la nourriture à grignoter. Ce qui va souffrir, c’est le bordeaux rouge. Pour autant, nous avons sur le marché des produits avec un bon rapport qualité-prix-fraîcheur. »
Coopération.« C’est un fait, depuis le début de la crise, nous sommes sollicités par des producteurs qui veulent rejoindre nos caves. Nous regardons les candidatures en prenant en considération plusieurs critères : les territoires d’implantation, l’obligation d’être en HVE3 et sans CMR, nous regardons les encépagements des domaines qui se présentent. Il est vrai que d’habitude, nous recherchons de nouveaux coopérateurs, mais là, nous sommes sollicités et nous expliquons nos critères d’intégration. »
Distillation.« Nous y recourons pour une partie de nos stocks. L’enjeu est surtout de loger la récolte 2020. Nos terroirs n’ont pas échappé à la grêle. La pression mildiou est forte et parfois difficile à maîtriser. Nous sommes donc prudents. »
« Il y a quelque chose à faire avec le clairet, c’est une véritable piste de travail »
Clairet, l’autre option apéro. Philippe Cazaux veut croire en un renouveau du clairet. « À notre boutique de Génissac, nous en vendons beaucoup. Nous avons des inconditionnels, c’est aussi un vin que demandent des cavistes. C’est facile à boire, pas tannique.C’est un produit qui en terme de distribution, n’est pas à la hauteur à laquelle il devrait être. Cela fait partie des produits sur lesquels nous n’avons pas montré de dynamisme pour la diffusion. Il correspond exactement à la partie apéro. Très honnêtement, si nous ne l’avions pas, nous chercherions à l’inventer. Ce produit, je trouve qu’à l’échelle de Bordeaux, on ne l’exploite pas, et c’est dommage. Il pourrait parvenir à compenser en partie les baisses de vente en rouge. Il y a quelque chose à faire avec le clairet, il nous faudrait communiquer davantage dessus. Aujourd’hui, il n’est porté par personne. Alors que dès qu’on le fait goûter, on constate un enthousiasme. Je pense que c’est un vrai chantier pour nos ODG et pour le CIVB. À mes yeux, le clairet est une véritable piste de travail. »
Valoriser Bordeaux. L’Union de Guyenne est le premier producteur de vins de Bordeaux et de crémant de Bordeaux. « Au-delà de cet épisode, nous devons montrer que Bordeaux a évolué. Nous avions pour ambition d’être à 100 % en HVE3 à fin 2020. HVE est un label français qui nous permet de répondre à tous ceux qui font du Bordeaux Bashing. »« Nous avons aussi un atout majeur, c’est que nous pouvons proposer une large gamme de produits : les blancs, les crémants, les rosés. Nous avons développé le malbec et le petit verdot dans nos parcelles. »« Nous avons débuté la commercialisation du Pet’Nat, un pétillant nature conservé sur latte, comme les crémants, lors de Wine Paris. Et nous envisagions Prowein comme point d’orgue pour le lancement. »« Nous allons sondé si le CHR est réceptif au lancement de nouveaux produits cette année. Par chance, c’est un produit qui a une capacité de conservation. »« Nous avions de nombreux projets en tête. Le Covid a imposé un coup de frein, donc nous réfléchissons à la façon de les reporter. »
Vendanges. Du fait de la précocité de la fleur, et malgré des conditions climatiques en juin, les projections de vendanges s’envisagent plus tôt qu’à l’habitude :« Dans notre calendrier prévisionnel, nous nous mettrons en ordre de marche sur notre site de Saint-Pey-de-Castets la semaine du 10 août. On prévoit les vendanges de crémant très tôt, sans doute au lendemain du week-end du 15 août. Le personnel s’adapte pour poser ses vacances. Comme nous avons plusieurs mois pour nous organiser, cela nous laisse de la lattitude. »
■ Emmanuel Danielou