Transmettre son exploitation : il faut s’y prendre le plus tôt possible

Céder son exploitation est une décision qui demande conseil. Les acteurs spécialisés, notaires, experts comptables, membres de la Safer ont un maître mot : l’anticipation. La Safer a débuté une série de webinaires et de rencontres sur cette problématique. Toute transmission a un double enjeu : satisfaire cédant et repreneur. Sachant que les cessions extra-familiales ont tendance à croître.

Union Girondine

La Safer a organisé le 5 mai dernier un webinaire sur le thème : « Comment transmettre son exploitation ? ». La première d’une série de rencontres en 2022 qui a pour objet de faciliter la transmission et de participer au renouvellement des exploitations. « Les exploitants sont déjà soumis à de nombreuses démarches administratives, note Audrey Narbonne, conseillère foncière Safer en Lot-et-Garonne. Mais dans le cadre d’une transmission, il faut s’y préparer. Cela demande plusieurs mois, et les étapes doivent être orchestrées. Ces étapes ont pour enjeu de faciliter la transmission. Mais aussi, psychologiquement, de vivre le changement de vie qui se profile. »
« Le travail d’écoute est primordial, souligne pour sa part Aurélie Bouny, notaire en Gironde. Il fait l’objet d’un premier rendez-vous. On a besoin de faire le point, de connaître les motivations du changement de vie qui se profile. Et entrevoir comment l’agriculteur envisage de transmettre son exploitation. Rien n’est décidé à l’occasion du premier rendez-vous, mais il est important de comprendre le contexte de la cession. »
Armelle Bénard, juriste fiscaliste de la Safer : « La première démarche est de rencontrer son notaire. La seconde démarche est de prendre contact avec la MSA pour anticiper sa date de départ à la retraite. On met donc en place un rétroplanning. Plus il est long, plus l’on peut anticiper la transmission. Il faut d’abord en analyser les conséquences. Puis vient la phase de recherche d’un acquéreur. Il faut au moins deux ans pour préparer cette transmission. »
Aurélie Bouny : « Même si nous sommes experts, c’est un travail d’équipe. À un moment donné, il faudra se réunir avec le comptable, l’exploitant. On va chiffrer souvent deux schémas de transmission. On va les exposer et les faire évoluer. On doit avoir une analyse comptable, juridique et fiscale. »

Une forte augmentation des cessions hors cadre familial


Audrey Narbonne : « Souvent, sur les conseils du notaire, nous, conseillers de la Safer, sommes sollicités pour nous rendre sur l’exploitation. Nous le faisons avec des conseillers agricoles. Et un représentant de la cave coopérative si l’agriculteur est coopérateur. »
Mais comment évaluer un bien agricole pour la cession ? « C’est un point très important, car il va constituer une partie de la retraite de l’exploitant. Nous avons une connaissance fine du secteur, souligne Audrey Narbonne. Nous avons aussi les compétences pour évaluer les équipements d’une exploitation, en ayant à l’esprit les normes. »
Au-delà d’une évaluation, c’est aussi la question du futur de l’exploitation qui se pose, signale Armelle Bénard : « Un repreneur peut avoir besoin d’une surface d’exploitation plus ou moins grande. On peut donc envisager une vente partielle et un fermage sur une partie de l’exploitation. Souvent, le cédant souhaite accompagner le repreneur, et cela passe par un contrat de travail. »
Aurélie Bouny voit dans ce moment un temps fort humain : « Avant de céder, Il faut réunir toute la famille. Il y a des règles successorales, que l’enfant participe ou non à l’exploitation. Souvent, je vais sur place pour "prendre la température". Comprendre le climat familial, et observer les réactions quand on va mettre sur la table les hypothèses. Il faut lever tout tabou sur cette transmission, cette succession. Ceux qui ne sont pas intégrés à l’exploitation y restent cependant très intéressés. » Elle observe qu’au fur et à mesure des rendez-vous, les schémas se précisent. « Et ensuite, on choisit ! »
Les cessions hors cadre familial représentaient 25 à 30 % des usages. Aujourd’hui, elles vont représenter plus de 40 % des transactions.
Audrey Narbonne : « Quand on a un repreneur identifié, un enfant, un voisin, cela demande du temps. Quand le repreneur n’est pas identifié, il faut également activer des moyens de recherche. La Safer dispose de nombreux outils dans ce cadre. »

Le cédant et l’acquéreur doivent y trouvent leur intérêt


Armelle Bénard : « Nous avons des outils pour aider le repreneur. Et pour le cédant, nous disposons aussi d’assurance "fermages non payés". Mon travail est de trouver le meilleur chemin pour que les intérêts du cédant soient en adéquation avec ceux du repreneur. »
À noter que les statuts des exploitations peuvent engendrer des approches différentes dans la cession, qu’il s’agisse d’une entreprise individuelle ou une entreprise par parts. « Nous veillons à ce que l’exploitation soit vendue dans sa globalité, ajoute Armelle Bénard, et non en parts de foncier. En fiscalité, il y a trois points : la vente des dispositifs et des stocks ; les plus-values professionnelles qui peuvent bénéficier d’exonérations ou les plus-values privées ; le point essentiel est la TVA sur les améliorations ou les bâtiments. » L’ensemble de ces points juridiques et fiscaux nécessite l’accompagnement d'un expert-comptable.
Sur la partie immobilière, notamment de la résidence principale, « il faut examiner la situation du cédant. Est-ce que l’agriculteur a déjà engagé une donation ? Est-il marié ? Sous quel régime ? Il existe de très nombreux cas de figure. » La transmission est donc toujours adaptée au cas en présence et ne peut être dupliquée.
Un conseil pour préparer sa transmission ? Aurélie Bouny : « Je n’ai qu’un maître mot, l’anticipation. Allez voir votre notaire, votre expert-comptable, la Safer. C’est une affaire d’équipe. » Audrey Narbonne : « Ne pas hésiter à se renseigner le plus tôt possible, pour ne pas subir les effets d’urgence. »
De prochains webinaires de la Safer sur la même thématique se dérouleront tout au long de l’année 2022.

E.D.

Renouvellement des générations d’agriculteurs

La Safer organise, vendredi 24 juin à 14 h 30, à Montagne-Saint-Émilion, une conférence départementale du foncier rural de la Gironde sur le thème « Renouvellement des générations d’agriculteurs - Jouons collectif ! ».
Cette conférence sera animée par Arnaud Courjaud, président du comité technique départemental, et Michel Lachat, directeur départemental de la Safer en Gironde.
Des précisions sur cette rencontre seront spécifiées dans les semaines à venir. Elle concerne les viticulteurs souhaitant transmettre leur bien et les jeunes souhaitant s’installer en viticulture.
www.saferna.fr