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Pulvérisation : l’innovation au service de la réduction des doses

La 3e journée interfilière organisée par AgriSudOuest Innovation, l’IFV, le CTIFL et Inno’vin, s’est tenue en Dordogne le 23 novembre dernier. Le thème en était la pulvérisation au service de la réduction des produits phytosanitaires.
Des programmes de recherche, des innovations développées ou en cours d’étude concernant la viticulture ont été présentés.
Morceaux choisis.

Union Girondine

La pulvérisation en agriculture fait l’objet de recherches sur des thèmes très variés dont certains sont nouveaux. C’est ce qui ressort d’une vaste étude bibliographique menée par Olivier Naud, Inrae, en 2021 sur un corpus de publications scientifiques nationales et internationales.
« Parmi les thèmes nouveaux identifiés, a précisé le chercheur, on peut par exemple citer l’étude de l’humidité que l’on analyse ici, non pas dans le but de prévoir les traitements en amont, mais pour mettre au point une méthode pour vérifier rapidement la qualité d’une pulvérisation ». Autre thème nouveau, l’étude de la pulvérisation à travers ses effets biologiques sur la plante, ou encore, l’analyse par ACP (analyse en composantes principales) de la pulvérisation.

Modulation de doses intra-parcellaire en vigne

Alexandre Davy, IFV a présenté le projet de recherche Oiseau (Optimisation de l’Épandage Automatisé) dont le but est « d’acquérir de la donnée sur la vigueur des parcelles puis de proposer un outil permettant de créer des cartographies de doses modulées sur la base de l’outil Optidose qui prend en compte le stade de développement du végétal et enfin, d’aller jusqu’au pilotage du pulvérisateur à la parcelle ». Les résultats d’essais ont mis en évidence des possibilités d’économies de dose entre 20 et 25 %. L’enjeu actuel est de fiabiliser le prototype mis au point, notamment sur la question de sa réactivité, d’améliorer l’ergonomie du logiciel disponible sur tablette et enfin de faire en sorte qu’il puisse être utilisé sur n’importe quel pulvérisateur. Seule condition toutefois, le pulvérisateur doit être équipé d’une vanne motorisée.

Un travail est aussi en cours pour affiner les cartes de vigueur qui sont la base du calcul d’adaptation des doses.
L’idée ici est de partir des cartes issues de « mesures satellites » et de les compléter en s’appuyant sur la connaissance « terrain » du chef de culture. Ce dernier apporterait donc une sorte de validation puisqu’en général, il connaît bien les zones les plus faibles et les plus fortes du terroir qu’il exploite. Les concepteurs du système prévoient de l’ouvrir à tout type de cartographie, dont celle obtenue par drone ou lidar (télédétection par laser). Mais l’objectif est bien de remettre le chef de culture au cœur du système.
Autre objectif majeur de l’étude, étendre cette technique à la fertilisation. « Nous avons été pionniers sur cette question de la modulation des doses intra-parcellaire, a commenté Alexandre Davy. Aujourd’hui, le sujet commence à être travaillé par des constructeurs. »

Stratégie de traitement « à motifs »

Simon Moulieras, responsable R&D, et Lucile Verdoolaeghe, Ingénieure agronome spécialisée viticulture de la start-up Greenshield, ont présenté la stratégie de traitement « maison » dénommée « stratégie à motifs » pour signifier que, pour empêcher une épidémie de se propager, seules certaines zones nécessitent un traitement ; lequel se fait alors à pleine dose. Les préconisations établies ici sont basées sur la théorie mathématique dite de la percolation, qui s’intéresse à la propagation des épidémies.

Équipements et logiciels pour moduler les doses

L’innovation technologique SMAC, qui consiste à installer des capteurs à ultra-sons sur des pulvérisateurs pour couper automatiquement les buses quand il n’y a pas de feuilles à traiter, donc quand il existe un trou de végétation, a été présentée par Xavier Cassassoles, directeur de DiiMotion.
Le kit SMAC comprend les capteurs à ultrasons, des électrovannes, de l’électronique et un bloc hydraulique qui compense à chaque fermeture de buses de manière à ce qu’il n’y ait pas différence de pression sur les autres buses. Le but est de ne pas dégrader la qualité du nuage en traitement.
Trois systèmes pour maintenir la pression ont été développés dont une sorte de vanne « 3 voies ». « Testé sur deux saisons, le système a permis une économie assez importante que certains clients ont objectivement mesurée entre 12 et 48 %, a précisé Xavier Cassassoles. On parle d’une moyenne de 20 à 25 % de bouillie économisée. »
L’avenir du SMAC est à la miniaturisation avec une buse intelligente qui intégrera son propre capteur et sera autonome. Pour ce qui est de la distribution en vignes étroites, elle ne se fera pas en direct, contrairement à la production en vignes larges.

Olivier Bonnefond a quant à lui présenté le nouveau système d’équipement de pulvérisateur dénommé Wulp, développé par la start-up Praysbee.
Ce système, qui s’installe sur tout type de pulvérisateur à l’avant comme à l’arrière, permet l’optimisation de la pénétration des produits phytosanitaires sans air, grâce à une descente oscillante dans le sens de l’avancement.

Toujours pour moduler les doses intraparcellaires, Johanna Albertis, ingénieure agronome, a présenté les cartes de préconisation de la société Chouette.
« Le principe de travail de Chouette passe toujours par trois étapes : acquisition de données par drones, capteurs embarqués ou avion, puis production d’une image, et enfin application de l’algorithme d’intelligence artificielle basé sur du « deep learning » (auto-apprentissage). On peut par exemple détecter des maladies telles que la flavescence dorée. On crée ensuite des cartographies. Dans le cas de la modulation des produits phytosanitaires, les paramètres d’entrée sont la carte de vigueur et la carte d’attaque mildiou. À partir de ces cartes, les zones qui nécessitent un traitement sont ensuite indiquées. En outre, le type de matériel est aussi pris en compte pour établir les préconisations. Sur la base de nos paramètres d’entrée, on applique une modulation des doses en s’appuyant sur Optidose. »
Cet outil a été testé en 2021 sur différents vignobles, notamment à Bordeaux. Il en ressort qu’en début de saison, avec une surface foliaire faible, on peut atteindre une réduction de la dose de référence de plus de 50 %.
À un stade plus critique, même en pression moyenne, la réduction possible sera de 10 à 20 % . « En revanche, ajoute Johanna Albertis, en cas de pression plus élevée, comme cette année à Bordeaux, le modèle a préconisé de se caler sur la dose de référence pour ne pas prendre de risque. Au final cette année, malgré une forte pression mildiou, on obtenait une réduction de 20 %. »

Le projet PulvéFixe a aussi été présenté lors de cette journée. Il vise à concevoir une technique innovante d’application des produits phytosanitaires à l’aide de micro-asperseurs qui seraient intégrés au palissage de la culture. D’abord étudié en verger de pommiers, ce système est en test sur le vignoble. Les principaux avantages d’une telle solution seraient de s’affranchir du pulvérisateur classique et d’appliquer les produits au moment le plus opportun.

Le projet PulvéFixe expérimenté sur le site de l'EPLEFPA Blanquefort

Estimer la qualité de la pulvérisation et vérifier les passages

Le programme en cours dénommé Eval’Pulvé qui vise à estimer la qualité de la pulvérisation à l’aide d’un traceur fluorescent visible en plein jour a été présenté par Adel Bakache, Chambre d’Agriculture de la Gironde. Tenter de moduler les doses est une chose, savoir si les traitements sont effectivement réalisés en est une autre.
Sur ce sujet, Nicolas Bernard, société Agrilive, a présenté un boîtier, qui permet de connaître, depuis son smartphone, l’avancée des chantiers de traitement ou de récolte, que ce soit en vigne ou en arboriculture. Ce boîtier qui fonctionne sans batterie s’installe directement sur le tracteur.

Le projet Eval'Pulvé est mené par la CA 33 et l'IFV.

Adjuvants : moins de dérive et plus d’efficacité

Réduire les IFT sans prendre de risque supplémentaire : chez De Sangosse, des essais menés avec l’adjuvant Oliofix sur quatre cultures, dont la vigne, ont permis d’établir des préconisations assumées de réduction de doses fongicides qui vont jusqu’à 50 % de la dose préconisée au départ.
L’entreprise étudie aussi l’intérêt du couplage d’un autre adjuvant avec des buses antidérive pour limiter cette fois la dérive aérienne.

Recherche de formulations nouvelles

Mettre au point des formulations nouvelles qui permettraient de conserver au champ les efficacités constatées au laboratoire de certains produits, par exemple des biostimulants, des micro-organismes utilisés en biocontrôle ou des phéromones. C’est l’enjeu sur lequel travaille la société Kapsera depuis 3 ans pour valider de nouvelles méthodes d’encapsulation.

Travail au sol et antigerminatif en simultané

Combiner en un seul passage le travail du sol avec l’application d’un herbicide antigerminatif sous le rang.
Avantages : pas d’herbicides foliaires, gain de temps et baisse du nombre de passages comparé à un travail du sol seul. C’est le concept « Grifherbi » développé par Corteva Agriscience.

Le concept Grifherbi développé par Corteva Agriscience


L’appareil est constitué d’une dent à l’avant pour décompacter le sol, d’une lame intercep hydraulique pour travailler le sol, d’un disque émotteur et d’une cuve de 100 l avec deux jeux de buses pour un traitement avant le travail du sol et l’autre après.
Un premier prototype a été créé et le but est de l’adapter à n’importe quel type de travail du sol. Les tests ont été réalisés avec les trois matières antigerminatives de Corteva AgriScience et, depuis cette année, une communauté de 11 viticulteurs a été créée avec pour mission d’installer l'outil sur leur propre matériel afin de le tester.
Les premiers témoignages sont intéressants. L’expérimentation se poursuit, notamment pour affiner l’intérêt de la technique selon les régions. Un travail est aussi en cours en collaboration avec l’IFV pour établir un bilan carbone du concept.

Marie-Noëlle Charles