Voici 10 ans, les producteurs bio apparaissaient comme des iconoclastes dans le paysage national et plus encore local. Mais la minorité d’hier devient une force croissante, au point que la Gironde est devenue le premier département viticole français en superficie bio, avec 13 909 hectares. Et le taux de conversion est le plus important de France, tant en Gironde qu’en Nouvelle Aquitaine, où la croissance est de 35 % sur 2018-2019. La dynamique est engagée et massive.
Premier département viticole bio en superficie, premier département viticole en HVE, la Gironde vire au vert pour offrir une nouvelle image.
«On est les Champions », chantaient les Français en 1998 et en 2018. En 2020, la Gironde peut gonfler le torse, et se présente avec un sourire de géant vert. Les terres converties en bio représentent 7 905 hectares, et celle en conversion 6 004 hectares.
Avec 13 909 hectares en bio et conversion, le département caracole devant les autres poids lourds de la viticulture biologique. Et la dynamique des domaines en conversion montre que la vague verte qui touche la Gironde est une lame de fond qui correspond à une prise de conscience sans doute plus marquée que dans d’autres territoires. Malgré une contrainte océanique qui rend ce mode cultural plus difficile.
Aujourd’hui, 12,2 % de la surface viticole de la Gironde est en bio ou en conversion (la surface viticole française, convertie ou en conversion est de 112 057 hectares). En densité, d’autres départements font mieux. L’Hérault par exemple (14,7 %), le Gard (21,57 %) ou le Vaucluse (12,71 %). L’Alsace compte aujourd’hui un vignoble à 24,30 % bio. Et la Dordogne fait partie des vignobles très engagé avec plus de 23 % des viticulteurs en bio.
Mais la Gironde doit faire face à une façade maritime autrement plus contraignante. Elle ne bénéficie pas de phénomène asséchant comme le Mistral ou la Tramontane. Et malgré les fortes pressions mildiou, comme en 2018 ou en 2020, les demandes de conversion sont en très forte croissance.
Avec 13 909 hectares, la mutation du vignoble Girondin n’est pas un épiphénomène. C’est un mouvement d’ampleur. Si l’on rapporte ce chiffre à d’autres vignobles, c’est presque l’équivalent de 90 % du vignoble alsacien (15 600 hectares) ou l’équivalent de la moitié du vignoble de Bourgogne (28 841 hectares).
Sur le terrain, les démarches auprès des techniciens de la Chambre d’agriculture, auprès d’Agrobio Gironde montrent que le mouvement de conversion est lancé et soutenu. « Nous avons connu une forte demande après la récolte 2019, constate Étienne Laveau, conseiller référent en viticulture bio à la Chambre d’agriculture de Gironde. Cela a de nouveau démarré sur les chapeaux de roues en début 2020. Mais le confinement y a mis un coup d’arrêt. Mais depuis le mois de mai, c’est reparti, j’ai à nouveau beaucoup de demandes. »
Le technicien observe les tendances par secteurs géographiques : « Fin 2019, les demandes portaient sur les appellations qui ont moins de difficultés, comme Saint-Émilion. Mais depuis début 2020, la demande s’est accélérée en AOC Bordeaux du fait des prix, et on constate une demande croissante sur le Blayais ou sur Bourg. On est sur un mouvement de fond assez fort. »
Mais engager une conversion ne se décrète pas. « L’accompagnement est un atout pour réussir. Certains sont bons techniquement et s’adaptent très vite. D’autres ont plus de mal et ont besoin d’être soutenus. »
Même observation du côté d’Agrobio Gironde, où Sylvain Fries, conseiller technique viticulture bio et conseiller projet bio, accompagne les viticulteurs qui engagent la conversion. « Je fais beaucoup de diagnostics un peu partout. Sur le terrain, on a observé une grosse pression mildiou qui s’est exercée bien sûr sur les bio. Mais beaucoup de conventionnels ont aussi souffert des affres du mildiou. Ces derniers réfléchissent à se convertir car ils constatent que leurs voisins en bio s’en sortent aussi bien, sinon mieux. »
« On a aussi une partie des viticulteurs qui n’utilisent plus de CMR et qui n’en veulent plus. Et il faut être honnête, quand on voit le prix du tonneau en conventionnel ou en bio, cela incite à sauter le pas. »
Le technicien ressent depuis l’été une forte accélération. « En ce moment, j’ai des coups de fil quasiment tous les jours. Pourtant, à Agrobio Gironde, nous ne sommes pas forcément très identifiés auprès des conventionnels. Certains, qui souffrent dans leurs propriétés, s’engagent par eux-mêmes, et pour des raisons d’économie, renoncent hélas à être accompagnés. »