Jeunes vignerons de Bordeaux : de l’énergie et un esprit solidaire !
Ils sont jeunes vigneronnes ou vignerons, ou en reconversion professionnelle. Le fait d’être installés depuis moins de cinq ans leur octroie la possibilité d’être visibles sur l’espace « Nouvelle Vague » à Wine Paris & Vinexpo Paris.
Cette nouvelle génération de vignerons est prisée des cavistes, des bars à vins et des importateurs qui considèrent cet îlot comme le profil des « vins de demain ».
En 2023, un seul exposant était Bordelais. Il s’agissait d’Aurélie Voillot Robaldo, à la tête de Wine Bouquet, qui accompagne les vignerons dans leur commercialisation à l’export.
Pour cette édition 2024, ils étaient bien plus nombreux à illustrer le vignoble bordelais. Ce qui montrait aux visiteurs combien le vignoble se renouvelle.
L’emplacement de cet espace Nouvelle Vague pouvait sembler à certains dissuasif tant il était excentré du hall consacré aux Bordeaux. Mais Aurélie Voillot Robaldo regardait le verre à moitié plein : « Nous sommes dans le hall de la Champagne et de la Bourgogne. Ce sont deux régions qui attirent les importateurs. C’est un emplacement positif. »
Valérie Bassereau et son fils Lou (Château de la Grave, Côtes de Bourg) proposent des vins qui sortent des sentiers battus, « des rouges en 100 % merlot, ou à 90 % malbec, avec de la fraîcheur, du velouté. » Des vins qui ne sont pas forcément faits pour vieillir, mais qui correspondent à la demande du marché.
À quelques mètres, Sacha Sokoloff, vigneron au Château L’indécise (Sainte-Foy Côtes de Bordeaux) participe à son premier Wine Paris & Vinexpo Paris. « Le monde entier est là ! L’effet Nouvelle Vague fait que nous avons beaucoup de passage. Comme je démarre, je n’ai pas beaucoup de réseau. Mais quand je discute avec les exposants de Champagne, je vois qu’en amont, eux consacrent deux mois de boulot pour préparer le salon et caler des rendez-vous. »
« Je ne suis pas à la base un commercial, je suis un vigneron. J’ai l’impression de me "mettre à poil" quand je suis dans la présentation de mes vins. Et ensuite, il y a la relance. C’est étonnant la relation commerciale en fonction des pays. Quand on relance les Américains, ils voient d’un bon œil le fait qu’on les rappelle, il trouve que l’on est accrocheur, que c’est une qualité. Dans d’autres pays, on a peur d’être insistant. »
« Quand on démarre une activité agricole, la tentation est d’investir dans du matériel. Bien sûr, c’est nécessaire. Mais je constate qu’il est prioritaire de mettre de l’argent dans la commercialisation et la promotion des vins ! »
Sacha sait que le salon est un moment de mise en relation. C’est ensuite que tout se fait : « Maintenant, c’est beaucoup de boulot pour concrétiser les contacts ».
Parmi la délégation bordelaise, Anne-Émilie Rodriguez, Château Pinet La Roquette (Blaye Côtes de Bordeaux), accompagnée de Thaïs Pélisse, alternante en commerce. Comme tous les vignerons bordelais présents, Anne-Émilie a été en conversion et est aujourd’hui en bio. Elle a d’ailleurs décroché une médaille d’or à Millésime Bio quinze jours avant Paris. L’ancienne ingénieure en système d’information (informatique) vit sa reconversion professionnelle comme un retour aux sources, « mon grand-père était agriculteur, c’était donc une démarche naturelle. » Le château qu’elle a repris sur 9 hectares « n’avait pas de circuit de commercialisation, car 80 % de la production partait vers le négoce. Mais j’observe chez les vignerons une prise de conscience qu’il faut se bouger. »
Pour autant, pas d’angélisme dans la relation commerciale. « Quand vous dites Bordeaux à des cavistes, certains acheteurs baissent la tête et s’éloignent. Les Bretons ou les Normands restent curieux, et bien sûr l’export. »
Autre néo-vigneron, Charles Weisgerber au Château La Peyruche à Langoiran. L’ancien consultant financier à Paris se félicite de sa nouvelle vie, même si elle est plus qu’accaparante. « Ma récolte 2022 était 100 % bio. Je poursuis par un gros projet d’agroforesterie, et nous lançons une parcelle pilote en recensement de biodiversité. »
"On vit un moment de solidarité"
Tous les vignerons bordelais de la Nouvelle Vague sont en bio ou biodynamie. Pour Guillaume Pouvaret (Vignoble Pouvaret à Bourg-sur-Gironde), « être en bio quand on s’installe, c’est mettre en place une logique de travail. Le bio, c’est une affaire d’anticipation, un raisonnement. Je pense que ce n’est plus un argument commercial, c’est un prérequis. » L’ancien œnologue de Château Lafleur à Pomerol se félicite de l’accueil de ses vins par les visiteurs : « La clientèle est exigeante, mais elle montre la voie à suivre et nous constatons que nos vins ont du potentiel ».
Lucie Mançais (Château Bois la Gravette à Moulis) a le sourire. « Pour mon premier Wine Paris, j’ai pu rencontrer des cavistes, des bars à vins, des importateurs. Maintenant, il faudra concrétiser ! »
Même observation pour Grégoire Clerc et Rémy Bucherie, Domaine Haut-Ventenac en Franc Côtes de Bordeaux. « Nous avons eu une dizaine de contacts intéressés en France, Belgique, Canada et Danemark. »
Après trois jours intenses passés ensemble, les jeunes exposants ont un même ressenti. « On lève le nez de la production et du quotidien. On vit ici un moment de solidarité avec des vignerons du Bordelais et d’ailleurs. On revient l’année prochaine ! »
Dans le hall de Bordeaux, quatre jeunes vignerons avaient opté pour faire salon sous une même banderole : Bordeaux crafters. « On est devenu copains aux J.A. », expliquent en chœur Noémie Tanneau, Charlotte Molinari, Guillaume Guérin et Vincent Bougès.
Chacun à la tête d’un domaine mais sur des appellations différentes, à savoir respectivement : Lussac Saint-Émilion, Graves, Bourg et enfin Médoc et Pauillac. « Nous avons des appellations différentes mais complémentaires. À nous quatre, nous avons une vingtaine de vins à la dégustation. Nous avons des cuvées classiques, des vins sans soufre, un pétillant naturel… » Au-delà de la gamme, les quatre copains se donnent un coup de main : « Nous sommes même parvenus à faire une prospection commune ».
C’était beaucoup de travail de rendez-vous en amont, mais aussi une solidarité sur place. « Quand l’un d’entre nous s’absente du stand, il y a toujours quelqu’un pour apporter une réponse. »
Au final, « pour un coup d’essai, nous sommes satisfaits. Nous avions un stand en angle avec beaucoup de visibilité. Nous n’avons rien signé, mais les contacts ont été très positifs ». Les quatre copains cogitent pour proposer une livraison commune aux clients. La mutualisation, cela a du bon !