Dans son bureau du quartier général régional de la gendarmerie, Samuel Dubuis, général de corps d’armée, commandant de la région de Nouvelle-Aquitaine pour la gendarmerie, observe la carte du territoire qu’il dirige. « Ce qui m’a frappé, quand je me suis intéressé à la filière viti-vinicole, c’est le poids socio-économique qu’elle représente en Nouvelle-Aquitaine. Ce sont 215 000 hectares de vignes sur sept départements, 54 000 emplois directs, plus de 60 000 emplois indirects et 14 000 entreprises. Nous sommes la première région viticole de France en termes de création de valeur. »
Un lien commun au terroir
Il souligne la notoriété du bassin de production : « Quand vous vous rendez à l’autre bout du monde, que vous dites les noms de Bordeaux, de Cognac, tout de suite on vous parle des vins. » Quant à la proximité de la gendarmerie, « qui assure la protection de 96 % du territoire néo-aquitain, elle a pour fonction de protéger tant le petit vigneron que le grand domaine. Le lien entre la filière viti-vinicole et la gendarmerie, c’est le terroir. Ce terroir, nous gendarmes, nous l’arpentons tous les jours pour prévenir l’insécurité. »
Fort de ce constat, le général Samuel Dubuis a décidé de lancer un vaste plan de la gendarmerie en direction de la filière, et ceci à l’échelle des sept départements viticoles de la région. « Nous sommes partis d’un postulat de base, nous avions besoin de mieux connaître le monde viticole, ses fonctionnements. » Mais dans le même temps, le général observait que les expertises des gendarmes en matière de cybercriminalité, de gestion de crise ou d’enquêtes judiciaires avaient besoin d’être mieux cernées par la filière.
C’est ainsi que ce plan en quatre axes majeurs, se déclinant en 20 points, se déploie en concertation avec le préfet de région Étienne Guyot.
Lors de la soirée de présentation de ce Plan 20 à la Cité du Vin le 12 septembre, le préfet de Région se félicitait de cette initiative : « Ce plan est une nouvelle preuve de l’engagement de l’État auprès de la filière viti-vinicole si importante à l’économie de notre région et qui contribue au rayonnement de la France à l’international ».
Cependant, « les risques et les menaces qui pèsent actuellement sur cette filière sont nombreux et regroupent aussi bien les atteintes à la sécurité économique, les vols, les dégradations, les recels, les contrefaçons que ceux qui sont générés par l’environnement numérique, les changements climatiques et les évolutions contraintes de nos territoires. » En 2022, une cinquantaine de faits ont ainsi été répertoriés. Il peut s’agir de vols de palettes, mais aussi de caisses de bouteilles parfois très chères. Ainsi que des escroqueries très préjudiciables pour les exploitations. Pour le préfet, ce plan se doit être adopté par l’ensemble de la filière viticole. « Il a pour objectif de proposer à l’ensemble des professionnels du secteur viti-vinicole des réalisations concrètes en matière de conseil, de protection et d’accompagnement, afin de prévenir la commission de ces atteintes », a insisté Étienne Guyot. Ce plan 20 comporte quatre axes déclinés en 20 actions.
Mieux se connaître
Le premier axe est une volonté de permettre aux gendarmes de terrain de mieux connaître et comprendre la viticulture. « Pour bien connaître un métier, une filière, il faut vivre le terroir, martèle le général Samuel Dubuis. Je milite pour des immersions. Cela s’est déroulé dans la Creuse au contact des exploitants agricoles. J’ai souhaité le transposer en milieu viti-vinicole. Nous l’avons décliné dès cette année pendant les vendanges, où de jeunes gendarmes, souvent issus du monde urbain, participent dans les domaines à ce temps de récolte. »
Il souligne aussi l’importance du brassage humain et social durant les vendanges.
Mieux vous conseiller
La gendarmerie constate qu’elle met en place des dispositifs qui sont parfois méconnus des citoyens. Et dans le cas présent des viticulteurs. « Nous avons des outils mis à disposition, souligne le général, qui méritent d’être connus. Nous pouvons, dans une démarche de prévention, apporter des conseils sur les dispositifs de surveillance. Quand un vigneron se sent menacé ou souhaite être l’objet d’une protection, la gendarmerie intervient comme un acteur de protection de la filière. »
Les nouvelles technologies n’échappent pas à la règle. L’éveil à la cybercriminalité fait partie du panel d’outils de prévention que maîtrise la gendarmerie. « Aujourd’hui, la question n’est pas de savoir si éventuellement un domaine viticole sera victime de cybercriminalité, mais plutôt quand en sera-t-il victime ? Il est des points de négligence à corriger. À commencer par cesser d’avoir le même mot de passe pour tous les portails digitaux… C’est hélas très souvent le cas. » Des formations seront déployées en relation avec le campus régional de cybersécurité.
Mieux vous protéger
« Quand un vigneron part quelques jours en vacances, s’il signale en amont son absence, il bénéficie du service Tranquillité vacances », rebaptiser pour la filière « Tranquillité vacances viticulteurs ».
Cette protection se situe aussi dans les enquêtes avec la branche judiciaire de la gendarmerie qui, par son réseau de brigades de recherches et de sections de recherches, se déploie sur le terrain.
Une cellule d’enquête, composés de gendarmes spécialisés dans la filière viti-vinicole maille l’ensemble de la région, avec des accents marqués sur la contrefaçon ou la tromperie en bande organisée. Ce travail est mené en synergie à l’échelle nationale avec les autres régions ou pays de production (Europol).
Mieux vous accompagner
La préoccupation environnementale gagne aussi la gendarmerie. Chaque brigade se retrouve dotée d’un gendarme spécialisé dans les approches environnementales. « Il nous a été signalé des « décharges sauvages » dans des parcelles », ce qui vient directement nuire à l’image et à la qualité d’un domaine.
La gendarmerie, qui possède une expertise dans la gestion de crise, la communication de crise, se propose aussi de partager son expérience avec le monde viticole.
Le général Samuel Dubuis aborde la mise en place de ce plan comme un élément socle : « C’est un plan qui aura du fond et qui vivra. Je me sens l’obligation de réassurer. je suis attaché à ce terme de réassurance devant une filière qui fait face aujourd’hui à de nombreuses contraintes ».
E.D.
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