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Variétés résistantes : où en est-on en Gironde ?

Qu’est-ce qu’une variété résistante ? Comment est-elle obtenue ? Quelles sont les variétés disponibles aujourd’hui ? Quel est leur avenir dans notre vignoble ? Voici un point synthétique sur toutes ces questions.

Union Girondine

De quoi parle-t-on ?

Les variétés résistantes disponibles présentent des résistances au mildiou et à l’oïdium, exclusivement. Pour les autres maladies et ravageurs, il peut exister des différences de sensibilité mais pas de résistance avérée, rattachée à un gène bien identifié.
Les sources de résistance connues proviennent d’autres Vitis ou de Muscadine, parentes de la vigne, plantes originaires d’Amérique ou d’Asie. Les facteurs de résistance sont de mieux en mieux connus mais restent limités (14 pour le mildiou, 10 pour l’oïdium). C’est un « patrimoine » à préserver.

Ces variétés sont obtenues par croisement. C’est une opération manuelle ancienne qui nécessite patience et dextérité. La variété choisie comme parent femelle est castrée manuellement, puis la grappe est ensachée pour la mettre à l’abri des fécondations non souhaitées. Le pollen du parent mâle est prélevé sur le géniteur choisi et posé délicatement au pinceau sur la fleur femelle, qui est à nouveau ensachée.
Le processus de création d’une nouvelle variété s’accélère mais reste long (15 ans environ). Il comporte trois étapes, dont deux au vignoble (figure ci-dessous) :

Phase 1 de sélection précoce (3 ans) : croisements classiques, récolte des pépins ; sélection assistée par marqueurs sur plantules, bio-essais de résistance au mildiou et à l’oïdium, choix des génotypes sélectionnés pour la sélection intermédiaire ; élevage des plants de semis en serre, production de greffons et confection des plants greffés-soudés.

Phase 2 de sélection intermédiaire (6 ans) : évaluation au vignoble en réseau, résistance au mildiou, à l’oïdium et à d’autres maladies (black-rot, anthracnose, botrytis), phénologie et architecture, composantes du rendement, composition des baies, qualité du vin.

Phase 3 de sélection finale (6 ans) : expérimentations en réseau au vignoble en vue de leur validation dans le cadre de la VATE (Valeur Agronomique, Technologique et Environnementale) et de la DHS (Distinction, Homogénéité et Stabilité), avant présentation à l’inscription au catalogue.

Schéma des phases de sélection d'une nouvelle variété (source INRAE)

Les programmes ResDur de l’INRAE

En France, les variétés résistantes ont initialement été travaillées à l’INRAE par Alain Bouquet à partir de 1974. Ses créations ont été élaborées à partir d’un rétro-croisement d’une Muscadine par de nombreux cépages sur une longue période, afin de conserver les gènes de résistance et de réduire au maximum le génome provenant de la Muscadine.
Les travaux de création ont été repris à l’INRAE dans le cadre du programme Resdur à partir de 2000. Grâce aux progrès considérables de la biologie moléculaire (marqueurs génétiques, identification et pyramidage des gènes de résistance, phénotypage…), la création de variétés résistantes s’accélère. On peut par exemple, peu après la germination d’une graine, savoir s’il s’agit bien d’un descendant du croisement souhaité et si la plantule comporte bien les gènes de résistance souhaités.

Les variétés inscrites à ce jour

Il existe en France à ce jour 17 variétés dont le classement est définitif et 20 avec un classement temporaire (cf. tableau). 4 variétés avec un classement définitif sont issues du programme ResDur-1, et 7 à titre temporaire du programme ResDur-2. Les variétés dites « Bouquet » comportant une source de résistance au mildiou et à l’oïdium bénéficient d’un classement temporaire pour un usage très limité.

Liste des cépages autorisés en France (VSIG/IGP)

Le réseau OSCAR

  • Le déploiement des variétés résistantes soulève de nouvelles questions :
  • Quels sont la durabilité des résistances déployées et le risque de contournement entraînant une baisse d’efficacité de ces résistances ?
  • Quid de l’émergence de nouvelles maladies suite à la modification des pratiques de protection (diminution des intrants) ?
  • Quels sont les itinéraires techniques optimaux à mettre en place pour la conduite de ces variétés ?

Pour y répondre, l’INRAE et l’IFV ont créé, en 2017, l’Observatoire national du déploiement des cépages résistants (OS- CAR). Cet observatoire a deux missions principales :

  • organiser la surveillance collective du déploiement afin d’anticiper les risques liés à l’évolution des populations de mildiou et d’oïdium et à l’émergence de nouvelles problématiques sanitaires ;
  • organiser le partage d’expérience sur le comportement des cépages résistants dans différents systèmes de culture pour aider les viticulteurs à construire ces nouveaux itinéraires techniques.

Pour en savoir plus : https://observatoire-cepages-resistants.fr

Le programme NewVine à Bordeaux

Depuis plusieurs années, des programmes de création de variétés résistantes à typicité régionale ont émergé dans toute la France.

En Gironde, le programme Newvine a été lancé par le CIVB en 2015 en partenariat avec l’INRAE et l’IFV. Les géniteurs résistants proviennent de l’INRAE de Colmar (génotypes issus du programme ResDur 2) et de l’IFV (croisements récents entre variétés hybrides et accessions obtenues par Alain Bouquet). En tout, 7 génotypes résistants ont été utilisés. Ils sont tous dits « polygéniques », c’est-à-dire comportant au moins 2 sources de résistance au mildiou et à l’oïdium pour limiter les risques de contournement des résistances. Les cépages retenus pour représenter la typicité bordelaise sont le Cabernet franc, parent de nos grands cépages bordelais, et le Petit Verdot, variété ancienne qui retrouve de l’intérêt dans le contexte d’évolution climatique que nous connaissons.

Actuellement, le projet Newvine est en phase 2 de sélection intermédiaire. Plus de 9 000 pépins ont été obtenus par croisements par l’INRAE et l’IFV en 2015 et 2016. Les plantules ont ensuite été testées pour vérifier la présence des combinaisons de gènes de résistance souhaitées, l’absence d’autofécondation, le caractère hermaphrodite et pour déterminer la couleur des variétés. Au bilan, près de 200 plants ont été conservés après ce criblage, dont une plus grande majorité issue de croisements avec le Petit Verdot.
De nouvelles germinations ont été réalisées en 2017 à partir des pépins disponibles pour augmenter le nombre de plants issus de Cabernet franc. Les plants de diamètre suffisant ont été greffés en 2017 puis implantés en 2018 et 2019 dans la parcelle de sélection intermédiaire sur le site de l’INRAE de Bordeaux. Les premières vinifications du programme Newvine sont prévues pour 2022. À suivre…
À noter : les programmes régionaux (cf. schéma ci-dessus) visent à créer les nouvelles variétés les plus adaptées a priori à chaque région. Cependant, le croisement de deux variétés crée une forte diversité. Certains plants présentant moins d’intérêt dans certaines régions pourraient s’avérer intéressants dans d’autres. Un réseau s’organise actuellement pour partager cette ressource au niveau national.

L’avenir des variétés résistantes ?

Le parcours est encore long avant une possible intégration des variétés résistantes dans le cahier des charges de nos AOC. L’OCM vitivinicole actuelle n’autorise à ce jour que les cépages Vitis vinifera pour les AOP et il faudra attendre la nouvelle OCM programmée pour 2023, qui devrait permettre l’usage dans le cadre des AOP (cahiers des charges). Il s’agira ensuite de réfléchir à leur intégration ou non dans la diversité variétale des vins de Bordeaux.
Leur utilisation sera alors possible dans le même cadre que celui actuellement emprunté par les variétés d’intérêt à des fins d’adaptation (VIFA) : 5 % des surfaces en production et jusqu’à 10 % de l’assemblage.
Les variétés résistantes classées définitivement peuvent être utilisées actuellement en IGP selon le cahier des charges (en IGP Atlantique depuis le 4 juillet 2019 : Bronner, Cabernet Cortis, Cabernet Blanc, Floreal, Johanniter, Monarch, Muscaris, Pinotin, Prior, Saphira, Solaris, Soreli, Souvignier Gris, Vidoc et Voltis).

Laurent Delière
(INRAE, Bordeaux Sciences Agro, SAVE, UE Vigne Bordeaux, ISVV ; F-3882, Villenave d’Ornon, France)
Laurent Charlier
(CIVB service technique, 1 cours du XXX juillet, 33075 Bordeaux Cedex)

Qu’en pensez-vous ?

À l’occasion du PNDV Tour organisé le 26 octobre dernier, un atelier consacré aux variétés résistantes a permis de recueillir vos avis et attentes sur le sujet. Extraits.
« Les variétés résistantes nous intéressent beaucoup mais qu’en sera-t-il de la qualité et la typicité des vins obtenus ? Comment ces variétés vont-elles prendre place dans nos AOC ? »
« Il faut aller plus vite pour la création des variétés et la production de plants ensuite ! »
« Ces variétés permettront une réduction drastique des intrants sans aller pour autant vers le zéro intrants. il faudra éviter les contournements et gérer les autres bio-agresseurs.»