Le marché du vin bio en croissance de plus de 13 % en 2020
Si le bio se porte bien ? Pour le moins. La consommation de vins bio a progressé de 13 % en 2020. Et la particularité de ce marché est qu’il est approvisionné à 99 % par de la production française.
Le secteur du vin bio, à lui seul, assure plus de la moitié, en valeur, des produits bio exportés.
Soit plus de 450 M€ sur un an. La viticulture bio représente aujourd’hui 17,27 % de la superficie viticole française.
Le panier alimentaire moyen français contient 6,5 % de produits bio selon l’Agence bio. Alors pourquoi parle-t-on autant de bio ? Parce que ce marché connaissait encore en 2020 une croissance à deux chiffres : + 12,2 % sur la partie alimentaire. Et + 10,4 % si l’on y ajoute le non alimentaire (notamment le textile), alors que la consommation hors domicile s’était écroulée du fait du Covid.
Les secteurs alimentaires qui progressent le plus sont : la bière (+33 %), les produits surgelés (+30 %), l’épicerie (+17 %), les œufs (+14 %), le vin (+13 %). Cette année 2020 reste particulière car le confinement a imposé une consommation domestique accrue. (Les volumes de bières bio sont encore très faibles)
Sur les circuits de distribution, la grande distribution garde la main sur le secteur, assurant 55 % des ventes du bio. Mais en phase Covid et confinement, la vente directe, notamment celle des produits alimentaires a connu une forte hausse.
Malgré la demande en produits bio, toujours très forte, les niveaux d’importation restent stables à 33,5 % en 2020 (contre 33,1 % en 2019). Quant à répondre à la demande de la souveraineté alimentaire, le vin y répond largement. Le secteur bio consomme français en vin (99 %), œufs (99 %), lait (98 %), viandes (95 %), légumes (78 %).
À ce jour, 12 % des agriculteurs en France sont engagés en bio (certifiés ou en conversion). Ce marché connaît donc en ce moment une demande en croissance, et une offre en croissance. Cette part de marché se substitue à l’achat du conventionnel.
Et si l’on s’attache à une projection générationnelle, le bio n’a pas encore atteint son plafond de verre, loin s’en faut.
La jeunesse tournée vers le bio
Une étude nationale de l’Agence bio, diffusée en janvier 2021, montre que l’achat de produits bios est plus fort chez les jeunes. Lesquels achètent, dans une fréquence hebdomadaire, des produits bios pour 41 % des 18 à 24 ans ; 38 % chez les 25 à 34 ans ; 35 % chez les 35 à 49 ans ; 36 % au-delà de 50 ans. Autre réalité, les catégories socioprofessionnelles les plus aisées consomment pour 45 % d’entre elles des produits bio, contre 32 % pour les personnes à ressources moindres.
Ce phénomène n’est pas uniquement français. Une synthèse de l’Agence bio sur les consommations dans le monde relève une étude canadienne où là aussi, le panier alimentaire moyen est de 6 % en bio. « En 2020, les produits bio ont représenté 46 % des achats hebdomadaires de la génération Z et 32 % de ceux de la génération Y. » (Génération Y, les personnes nées entre 1980 et 2000. Génération Z, les personnes nées après 2000.)
Donc l’identification des labels est très fortement ancrée chez les jeunes générations, qui en font parfois un prérequis dans leurs achats. Le marché américain est pionnier en consommation de produits bios puisque l’Amérique du Nord, à elle seule, capte 44 % de la production mondiale bio.
La grande distribution, qui analyse avec beaucoup d’attention ces données, ne s’y trompe pas et investit fortement dans les certifications environnementales et dans le bio en particulier. À aucun moment le vin n’échappe à la règle, bien au contraire, il serait même précurseur sur ce segment. Fabrice Chaudier, économiste du vin, relayait sur son site internet (www.fabricechaudier.com), les indications d’une étude de l’institut NielsenIQ, spécialisée dans l’analyse "consommateur" (parue dans Rayon Boissons). Le marché du vin a progressé de 3 % au premier semestre. tandis que le marché du vin bio a progressé de 9 %. L’offre s’est élargie en direction du consommateur, avec + 15 % de vins bio en offre (-1 % en conventionnel). Et les ventes de vins bio sur catalogue ont connu une croissance de +42 % (contre +32 % en conventionnel). Sur ce créneau, le Languedoc-Roussillon récupère 32 % des parts de marché. Suivi de la vallée du Rhône (18 %), tandis que Bordeaux, dont la notoriété bio reste encore à consolider, se positionne déjà à 17 %. Si Bordeaux a un déficit de marque bio dans le linéaire à ce jour, les volumes à disposition demain et les stratégies marketing en relation avec le négoce devraient lui faire une plus grande place.
La grande distribution a bien compris que la valorisation des certifications environnementales répondait aux attentes des consommateurs, et elle met tout en œuvre pour les rassurer. Les collerettes vertes en cette période de foire aux vins en sont l’illustration. La GMS fait ainsi feu de tous labels. Le communiqué de presse d’Intermarché du 20 septembre était clair dans sa distribution de vins sous sa marque de distributeur Expert-Club. « D’ici 2023, 80 % des vins Expert-Club seront au moins HVE. Et 100 % en 2025. »
Dans l’esprit de cette enseigne de grande distribution, le conventionnel est donc un vin d’entrée de gamme et elle ne souhaite plus le commercialiser en nom propre. Le HVE est donc un socle, et la valorisation se fera sur le Zéro résidu de pesticides et bien sûr sur le bio.
Un label d’aménagement du territoire
Sur le terrain, l’engouement pour le bio est aussi un élément de valorisation en aménagement du territoire. Puisque le soulignait Philippe Henry, président de l’Agence Bio : « 12 % de la production agricole est bio. Et elle représente 18 % de l’emploi agricole, ce qui participe à la vitalité du monde rural. Nous sommes vraiment dans une dynamique vertueuse en aménagement du territoire. »
Là où le secteur viticole est aujourd’hui pionnier, c’est que 17 % de sa capacité de production est bio ou en conversion. Mais tous les bassins viticoles se retrouvent face à une difficulté parfois insurmontable : le recrutement de main-d’œuvre formée et à former. Le taux de conversion a progressé de 35 % en Nouvelle-Aquitaine en un an, sauf que le nombre de tractoristes sur le marché de l’emploi ne suit pas la même courbe. Les structures bio sont souvent familiales, et d’une taille moyenne inférieure à 20 hectares.
La conversion est en train de devenir un modèle de sauvegarde des structures familiales, car la disponibilité pour réaliser les traitements s’appuie le plus souvent sur les forces vives de l'exploitation. Envisager un domaine bio seulement géré par des salariés demande des acrobaties dans l’annualisation du temps de travail.
Autre réalité, nombre de viticulteurs de plus de 50 ans ont engagé une conversion en bio, car la capacité de transmission, en famille ou en dehors de la famille, est plus élevée en bio à ce jour.
Sauf que passer en bio ne s’improvise pas. Cela demande un temps de réflexion, un accompagnement, et un business plan digne d’un prévisionnel de création d’entreprise. La maîtrise culturale est capitale, la maîtrise œnologique nécessaire, mais la maîtrise comptable de son exploitation est fondamentale pour ne pas boire la tasse.
En ce sens, le Référentiel économique du Vigneron est un outil à télécharger. Il peut être obtenu sur le site de la Chambre d’agriculture de la Gironde. Il permet de travailler sur les seuils de rentabilité de l’exploitation, que l’on soit en conventionnel ou en bio. D’étudier les baisses de rendement de la conversion. Ce référentiel est un outil indispensable pour tout vigneron, quelle que soit la taille de son exploitation.
Ce document offre recul et analyse. Il a été réactualisé régulièrement depuis sa création en tenant compte des prix du marché et du coût de la vie.
De la vigne au verre, le bio a le vent en poupe. La certification est un atout mais pas une fin en soi. Le modèle repose sur une multiplicité des canaux de distribution. « Le vigneron doit apporter autant de soin à la commercialisation qu’il en apporte à son raisin et à sa vinification », soulignait la dernière newsletter des Vignerons bio Nouvelle-Aquitaine.
Emmanuel Danielou